CulturActu vous parle de PÉGUY, LE VISIONNAIRE

18 Juil 2019

Marie-Hélène ABROND pour CulturActu vous parle de « Péguy, le Visionnaire »

Si le nom de Charles Péguy est connu, sa vie et son oeuvre le sont moins. Le Théâtre de la Contrescarpe, niché au coeur du Quartier Latin à Paris, vous invite tous les week-ends jusqu’à la fin juillet à découvrir l’auteur grâce à une pièce forte, émouvante, un seul en scène joué par Bertrand Constant et intitulé « Charles Péguy, le visionnaire », dans une mise en scène de Laetitia Gonzalbes.

Silence et obscurité totale dans la salle… Soudain, on entend une plume gratter le papier, une lumière apparaît, une porte grince en s’ouvrant et voilà le spectateur plongé dans le Paris d’août 1914. Pas besoin de décor. L’image, le son, le verbe de Bertrand Constant vous plongent, d’emblée, à la veille du départ au combat, juste après la mobilisation. Un homme fait face à son destin. A 41 ans, Charles Péguy est un auteur connu, reconnu, engagé. Il rencontre un journaliste. Le moment est intime. L’auteur répond aux questions et retrace toute sa vie dont il ne sait encore qu’elle touche à sa fin. Bertrand Constant, sur scène, incarne l’auteur et tous les personnages qui jalonnent son existence.

Mais qui est Charles Péguy ? Né en 1870 à Orléans, il est issu d’une famille d’artisans modestes. Orphelin de père, l’enfant grandit entre sa mère, rempailleuse de chaises et sa grand-mère qui participe à son éducation. Ma grand-mère contait des histoires amusantes et merveilleuses, explique l’auteur incarné sur scène. En fait, rien ne pouvait prédire une carrière littéraire, intellectuelle, politique pour cet enfant ayant vécu dans la pauvreté et non la misère, comme il le souligne. Nous étions pauvres mais dans un honneur absolu, évoque le comédien, ajoutant: L’instruction publique était une ouverture pour les paysans en sabots que nous étions. Et d’évoquer les Hussards noirs de la République tels que nommait Péguy, les instituteurs de l’époque, vecteurs indispensables pour Jules Ferry permettant aux enfants de l’époque de s’extraire de l’analphabétisme. Monsieur Naudy, l’instituteur, décèle un talent et oriente l’enfant vers la sixième au lieu d’études professionnelles.

L’univers de la connaissance s’ouvre à lui, avec le latin comme passion. Ces années d’études, la possibilité de s’élever socialement, grâce à l’école marqueront sa vie entière. Baccalauréat, Ecole Normale Supérieure, cet enfant du peuple se passionne pour le sort des hommes. Fasciné par Jaurès, engagé dans la défense de Dreyfus, il devient socialiste, tout en gardant un attachement fort à Jeanne d’Arc, qui le relie à Orléans et son enfance. Il refuse les nationalismes, la pensée réductrice, réfléchit, écrit, critique les dérives totalitaires dans l’évolution du socialisme français. Il est aussi chrétien et assume ses choix au risque d’être exclu. Engagé volontaire au début de la Grande Guerre, il affirme : Je pars soldat de la République, pour le désarmement général et la dernière des guerres . Il meurt le 5 septembre 1914.
Le texte de Samuel Bartholin, de grande qualité souligne les paradoxes d’un homme passionné et empreint d’humanisme. Bertrand Constant, comédien au cinéma, au théâtre mais aussi dans des séries bien connues comme Un Village français y incarne avec brio et émotion cet auteur de renom.